Christophe Champin, en charge des nouveaux médias à RFI, auteur du livre Afrique noire, poudre blanche, André Versaille Editeur/RFI.
Le trafic de drogue touche toute l'Afrique, selon l'OICS
Le dernier rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) dresse un constat sans appel. Du nord au sud, l'ensemble de l'Afrique est concernée par le trafic de stupéfiants, qu'il s'agisse du haschich, de la cocaïne, de l'héroïne ou de la méthamphétamine.
Dans son analyse annuelle de la situation mondiale, l'OICS met, une fois de plus, l'accent sur la multiplicité des points chauds en matière de trafic de stupéfiants sur le continent africain. Au nord d'abord, l'organisation estime que les changements politiques et sociaux en Egypte, en Libye et en Tunisie en 2011 ont pu entraîner « une défaillance des capacités de détection et de répression en matière de drogue des pays concernés ». Il est pourtant un Etat – le Maroc- qui n'a pas connu de révolution, mais qui reste le principal fournisseur de résine de cannabis de l'Europe... « Selon l'Organisation mondiale des douanes, quelque 72% de la quantité totale saisie par les autorités douanières dans le monde en 2011, provenait du Maroc, souligne l'Organe international de contrôle des stupéfiants. Les trafiquants continuent d'acheminer du cannabis en passant par les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla et par le port marocain de Tanger . » Rappelons que la plupart des pays d'Afrique subsaharienne produisent également de l'herbe de cannabis exportée vers l'Europe. Parmi ces pays: le Ghana, le Nigeria, la République démocratique du Congo, le Sénégal et le Togo, mais aussi plusieurs pays d'Afrique de l'Est et d'Afrique australe.
Comme l'a souligné, il y a quelques jours, un rapport de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC), la cocaïne a continué à transiter par l'Afrique de l'Ouest en 2011-2012. Une partie importante est arrivée par avion, comme précisé dans notre précédent billet, et par conteneurs. « Neuf des 14 grosses saisies réalisées en 2011 ont eu lieu au Bénin, au Cameroun, au Ghana, au Nigeria, en Sierra Leone et au Togo», indique l'OICS. Les saisies effectuées indiquent que la drogue est produite en Colombie et, en deuxième position, en Bolivie.
Elle sort d'Amérique latine par différent pays. « Près de la moitié de la cocaïne saisie en mer a été expédiée du Brésil », précise le rapport. En octobre 2011, par exemple, 480 kg de cocaïne destinés au Nigeria ont été saisis, tandis que 145 kg, toujours en provenance du Brésil, ont été interceptés au Cameroun. D'autres cargaisons sont passées par l'Equateur (à destination du Bénin et de la Côte d'Ivoire) ou de l'Argentine (500 kg saisis en juillet 2012, à l'aéroport de Buenos Aires). Le trafic continue par le biais de passeurs, mais aussi via le fret aérien. En 2011, un envoi de 113 kg de cocaïne a ainsi été intercepté à l'aéroport de Miami, en provenance de Bolivie et à destination du Bénin. Le Maroc apparaît, à en croire les experts de l'OICS, comme une des portes d'entrée vers l'Europe, pour la poudre blanche ayant d'abord transité par l'Afrique subsaharienne et notamment par le Sahel, en tous cas jusqu'à l'intervention franco-africaine au Mali qui a perturbé cette filière.
L'OICS précise, en outre, - ce qu'on savait déjà - que la cocaïne suit d'autres itinéraires: « De grandes quantités de cocaïne sont acheminées directement depuis l'Amérique du Sud vers les marchés illicites d'Afrique du Sud. » Elle arrive notamment par l'Angola ou la Namibie. Le Mozambique reste également un pays de transit de la cocaïne. L'Afrique de l'Est est elle aussi concernée: « Des envois de cocaïne sont régulièrement interceptés en Ethiopie, au Kenya, en Ouganda et en République unie de Tanzanie (86 kg saisis dans ce pays en provenance du Brésil en 2011). »
L'héroïne toujours...
L'Afrique reste également une terre de transit et de consommation de l'héroïne: « La quantité totale d'héroïne saisie en Afrique a augmenté, passant de 311 kg en 2008, à 695 kg (soit 7% des saisies mondiales de cette substance) en 2010. Les saisies les plus importantes ont eu lieu en Afrique de l'Est (245 kg), en Afrique du Nord (239 kg) et en Afrique de l'Ouest et centre (201 kg). » Les prises en grosses quantité sont plus nombreuses que par le passé. Ainsi 200 kg acheminés depuis le Pakistan ont été trouvés dans un conteneur au Bénin en avril 2011, tandis que 113 kg ont été découverts au port de Lagos, au Nigeria, en juin 2012. Des saisies ont également été faites l'année dernière à l'aéroport d'Abidjan, en Côte d'Ivoire.
Au fil des rapports, il se confirme que des quantités importantes de stimulants de type méthamphétamine transitent ou sont produites sur le continent africain. « Depuis 2008, il est fait état d'un trafic (…) à destination de l'Asie de l'Est, principalement du Japon et de la République de Corée, depuis des pays d'Afrique de l'Ouest, tels que le Bénin, le Cameroun, la Côte d'Ivoire, le Ghana, la Guinée, le Nigeria, le Sénégal et le Togo », indique le rapport de l'OICS. Outre le Japon et la Corée, d'autres pays tels que Singapour, la Malaisie et la Thaïlande figurent parmi les destinations finales de la marchandise.
L'Afrique du Sud reste, en outre, un lieu important consommation et de fabrication de méthamphétamine, de méthcatinone et de méthaquolone (mandrax). « En juillet 2012, la police sud-africaine a démantelé deux laboratoires de fabrication de méthaquolone à Johannesbourg et saisi quelque 300 000 comprimés de cette substance », précise l'OICS. De grandes quantités de mandrax arrivent, en outre, d'Asie fournisseur traditionnel de l'Afrique du Sud.
A toutes ces drogues, s'ajoutent des nombreuses autres substances médicamenteuses consommées en Afrique, souvent contrefaites, normalement soumises à prescription médicale et contenant des substances psychotropes non spécifiées. Près de trois tonnes de ces produits ont ainsi été saisies au Nigeria en 2011.
Enfin, l'OICS alerte sur la hausse de la consommation des drogues dures sur le continent africain: « L'Afrique de l'Ouest et du centre pourrait compter quelque 1,5 million de cocaïnomanes. » L'estimation est très approximative, faute de moyens de mesure fiables, mais elle traduit une tendance. De même, « l'abus d'héroïne est perçu comme étant en progression, et il se concentre principalement en Afrique de l'Est et en Afrique de l'Ouest, ce qui s'explique par le fait que la première est le principal point d'entrée de l'héroïne afghane en Afrique tandis que la seconde est un point de sortie important». Parmi les pays les plus touchés, on trouve, dans l'ordre, Maurice, le Kenya (200 000 héroïnomanes selon les autorités), le Nigeria et l'Afrique du Sud. Il existe peu de chiffres précis sur l'abus de stimulants de type amphétamine, sauf pour l'Afrique du Sud (35% des demandes de traitement concernent la méthamphétamine dans la région du Cap Occidental en 2011), mais un nombre croissant de pays d'Afrique de l'Ouest signalent également une hausse de la consommation. Or, souligne l'Organe international de contrôle des stupéfiants, dans la plupart de ces Etats le système de santé n'est pas en mesure de répondre à l'augmentation de la demande de traitement.
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