Les «stups» français pessimistes sur le trafic de drogue en Afrique

A écouter les services antistupéfiants français, au diapason de l'Organe international de contrôle des stupéfiants, on est encore loin du compte en matière de lutte contre le trafic de drogue sur le continent africain. 

On prend les mêmes et on recommence, même s'il y a des variantes. La Guinée-Conakry qui avait fait beaucoup parler d'elle en tant que plaque tournante de la cocaïne, jusqu'en 2008, est toujours en pointe, signalent les services antidrogue français. Au début de ce mois de février, un passeur guinéen a été arrêté à l'aéroport de Conakry, porteur de 22 kilos de cocaïne, alors qu'il allait s'envoler pour Bruxelles. Cerise sur le gâteau, il est parvenu à quitter sa cellule dans des conditions plus que suspectes.

Certes, on est loin de la saisie de plus de trois tonnes de poudre blanche à bord du cargo le Junior en février 2008 au large la capitale. Mais de nombreux passeurs de cocaïne ou de méthamphétamine en provenance de la Guinée-Conakry sont régulièrement arrêtés sur place ou en provenance de ce pays. « La Guinée-Conakry n'a plus forcément le rôle d'entrepôt de stockage de grosses quantités de cocaïne. Mais elle reste un important pays de transit », indique un responsable antidrogue français.

Quant à la Guinée-Bissau voisine, elle continue à retenir l'attention des services français de lutte contre les stupéfiants. A les écouter, il y a bien eu, ces derniers mois, une rivalité entre le chef d'état-major des armées Antonio Indiai et le chef d'état-major de la Marine Bubo Na Tchuto autour du trafic de cocaïne. «Le premier contrôlait notamment les aéroports, le second les arrivées de drogue par la façade maritime, affirme le responsable des «stups». Indiai a pris le pas sur Bubo c'est tout », en référence à l'arrestation de ce dernier, fin décembre 2011, à la suite d'une tentative présumée de coup de force. Selon lui, des rotations d'avions transportant de la drogue ont d’ailleurs continué en 2011 dans ce pays, assure notre interlocuteur.

La filière sahélo-saharienne toujours...

La zone sahélo-saharienne reste, par ailleurs, toujours la région de tous les dangers en matière de stupéfiants, estiment les services antidrogue français. Au Mali, la lutte contre le trafic semble avoir marqué le pas. Dans l'affaire « Air Cocaïne », plusieurs personnages clés ont été libérés, dont le riche homme d'affaires Mohamed Ould Awaïnatt, pourtant présenté jusque-là comme un personnage clé du dossier. D'autres protagonistes restent détenus, dont le français Eric Vernet et deux Espagnols. Mais l'enquête judiciaire fait du sur place. A ce propos, le président malien, interrogé sur RFI dimanche 26 février, a démenti les accusations récurrentes de collusion des autorités avec les trafiquants : « La drogue est intercontinentale ; elle ne nous est pas destinée mais nous sommes une zone de passage, malgré nous. Lutter contre ce trafic exige un large dispositif qui implique plusieurs pays, plusieurs continents et plusieurs services qui ont, chacun, une part de responsabilité. Par conséquent, dire que nous fermons les yeux, c’est trop dire. Nous nous battons avec les moyens que nous avons. »

Le nord du Niger reste également un lieu de transit important pour la drogue, ajoute le responsable de «stups» que nous avons interrogé. Début septembre 2011, un convoi de quatre véhicules transportant du haschich a été intercepté par une patrouille des Forces armées nigériennes au nord de Dirkou, non loin de la frontière tchadienne. Trois trafiquants ont été tués trois véhicules Toyota ont pu être stoppés. Ces 4x4 transportaient environ 5 tonnes de résine de cannabis. Le 2 janvier dernier, les FAN ont, de plus, tenté de stopper deux véhicules Land Cruiser lourdement chargés circulant sur une piste située à environ 200 km au sud-ouest d’Arlit. Après échange de coups de feu, les FAN ont arrêté à bord d’un des véhicules deux Maliens et un Nigérien. Ils transportaient 1 tonne de résine de cannabis et des armes (pistolets et fusil mitrailleurs, des chargeurs et des cartouches). L’autre véhicule a pris la fuite. 

De l’Afrique de l’ouest à l’Afrique du nord

Parmi les Etats de la côte ouest-africaine, le Togo et le Bénin sont toujours dans le collimateur des services antistupéfiants français après des saisies, en 2011, de conteneurs utilisés pour le transport de cocaïne. Le Sénégal est également surveillé de près pour les mêmes raisons. Ce pays a beau bénéficier de nombreux projets de coopération dans la lutte contre le trafic de stupéfiants, il fait partie des déceptions des «stups» pour la faiblesse de ses résultats, hormis des arrestations de passeurs de haschich à l’intérieur du pays et des interceptions de mules porteuses de cocaïne ou de méthamphétamine à l'aéroport de Dakar.

Plus au nord, deux pays sont toujours considérés comme des hubs important pour les trafics de drogues en tout genre : le Maroc bien sûr, mais aussi l'Algérie. La presse de ce pays se fait quotidiennement l'écho d'arrestations de passeurs de haschich mais aussi de cocaïne et d'héroïne. A en croire les experts français, la lutte contre le narcotrafic se limite à ce type d'action et ne cible pas les véritables décideurs.

Autre constat, que partagent tous les experts: le trafic de drogues synthétiques est florissant sur le continent africain. « Aujourd’hui, la méthamphétamine est fabriquée sur place. Un laboratoire a été démantelé l’année dernière au Nigeria. La drogue part en général vers l’Asie en passant par toute sorte de pays différents sur le continent africain », indique l’officier antidrogue français que nous avons interrogé. Un deuxième laboratoire a même été démantelé il y a quelques jours, également au Nigéria.