Christophe Champin, en charge des nouveaux médias à RFI, auteur du livre Afrique noire, poudre blanche, André Versaille Editeur/RFI.
Drogue : les liaisons dangereuses entre le Brésil et l’Afrique
Le Brésil est devenu une importante porte de sortie pour la cocaïne latino-américaine, notamment vers l’Afrique. Mieux, de plus en plus de trafiquants originaires de continent, opèrent au pays de Lula ou servent de passeurs entre les deux rives de l’Atlantique.
Les récentes opérations antidrogue menées au Brésil dans des favelas de Rio de Janeiro rappellent à quel point le trafic de stupéfiants y est un problème crucial. Et cela en grande partie parce que ce pays gigantesque est frontalier des trois producteurs de cocaïne (Colombie, Pérou, Bolivie) et dispose d’une façade maritime atlantique de 7400 kilomètres. Ce qui en fait un important territoire de transit pour la poudre blanche vers le reste du monde.
Un récent article de la revue Americas Quartely, citant les chiffres de l’UNODC (Office des Nations unies contre la drogue et le crime), indique que les saisies ont flambé ces dernières années. Elles sont passées de 25 tonnes en 2005 à 260 tonnes en 2009. Toujours selon l’UNODC, 15% de la cocaïne produite en Amérique latine passerait par le Brésil.
Et Americas Quartely rappelle opportunément qu’une partie importante de cette cocaïne part vers l’Afrique. Plusieurs raisons à cela. D’abord, le fait que les organisations criminelles ont, depuis déjà plus d’une décennie, jeté leur dévolu sur l’Afrique pour en faire un important lieu de stockage et de redistribution, vers l’Europe principalement, mais aussi d’autres régions du monde (Proche Orient, Asie).
Deuxièmement, les liens historiques entre le Brésil et les pays lusophones d’Afrique et le renforcement des relations commerciales de Brasilia avec l’ensemble du continent ont offert de nouvelles opportunités aux trafiquants. « La croissance des échanges commerciaux légaux entre le Brésil et l'Afrique a ouvert un nouveau corridor pour le trafic illicite. Le commerce avec le continent a atteint 17,2 milliards de dollars en 2009. Ce n'est pas un hasard si, la même année, le Brésil est devenu le premier point de départ de la cocaïne acheminée vers l'Afrique », affirme la revue. Une place que le Brésil dispute, précisons-le, au Venezuela, également très importante porte de sortie de la cocaïne à destination de l’Afrique.
L'Angola en particulier - une ancienne colonie portugaise comme le Brésil - fait partie des destinations clés sur le continent africain. « En 2009, plus de 90% des drogues ayant atteint l'Angola par voie aérienne venaient du Brésil, principalement transportées par des mules africaines », précise Americas Quaterly.
Trafiquants africains au Brésil
D'une manière générale, l’ouverture de nouvelles lignes aériennes à destination de l'Afrique s'est accompagnée d'une augmentation de la circulation des passeurs. Un grand nombre ont ainsi été arrêtés ces dernières années, notamment à Dakar. Un phénomène similaire est constaté à Lagos, au Nigeria, en provenance de villes brésiliennes, en particulier Sao Paulo, considérée comme un très important point de départ de la cocaïne. Au début de ce mois de novembre 2011, deux saisies ont eu lieu à l’aéroport de Lagos, dans des bagages de passagers d’un vol Qatar Airlines parti de Sao Paulo. Et ce ne sont pas les premiers cas...
En 2009, un trafiquant nigérian ayant fait de la prison au Brésil pour avoir voulu transporter plusieurs kilos de cocaïne vers l'Afrique, avec lequel je m’étais entretenu au téléphone, m’avait confirmé cette tendance. L'homme était resté discret sur les activités des membres de sa communauté, mais plusieurs affaires ont montré que des trafiquants, parfois de haut vol, de nationalité nigériane et ghanéenne, y opèrent depuis déjà de longues années, comme ils le font dans d'autres Etats de la région. Ce qui est logique puisque des « boss » nigérians traitent directement avec les organisations criminelles colombiennes et mexicaines pour le trafic de cocaïne et, plus récemment, de méthamphétamine.
Les autorités brésiliennes tentent d'enrayer le phénomène. Le gouvernement de Dilma Roussef a entrepris de renforcer les contrôles à ses frontières terrestres, et, on l'a vu ces derniers jours, de reprendre le contrôle de fiefs des narcotrafiquants dans les favelas. Sur le plan international, le Brésil a rejoint le programme AIRCOP. Lancé par l'UNODC - financé par le Canada, la Commission européenne, en coopération avec Interpol et l'Organisation mondiale des douanes - il vise à renforcer les échanges en matière de renseignement au niveau des aéroports et de la police entre le Brésil et plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest, dont le Cap Vert, la Côte d'Ivoire, le Ghana, le Mali, le Nigeria, le Sénégal et le Togo.
Cela dit, ces efforts, même s'ils commencent à porter leurs fruits, dépendent en grande partie de la bonne volonté des Etats africains en matière de lutte contre la drogue. Et en dépit de progrès, beaucoup reste à faire en la matière.
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