Christophe Champin, en charge des nouveaux médias à RFI, auteur du livre Afrique noire, poudre blanche, André Versaille Editeur/RFI.
Le continent africain toujours prisé par les trafiquants de cocaïne, selon l'Organe international de contrôle des stupéfiants
L'Organe international de contrôle des stupéfiants a publié son rapport 2010, mercredi 2 février. Je vous propose d'en analyser le contenu en ce qui concerne l'Afrique. Premier volet: la cocaïne.
Photo d'une saisie de plus de 2 tonnes de cocaïne en Gambie en juin 2010. Crédit photo: Soca
Un enseignement d'abord, le rapport de l'OISC confirme que la chute des saisies de poudre blanche sur le continent africain enregistrée en 2008 et 2009 ne signifiait pas que les organisations criminelles latino-américaines ne s'intéressaient plus à cette partie du monde.
En 2007, on a atteint un pic en matière de saisies maritimes au large des côte ouest-africaines ou en provenance de cette région. Puis en 2008 et 2009, elles se sont effectivement effondrées. En réalité, les organisations ont contourné la surveillance maritime renforcée (à travers le MAOC-N), en transportant la coke à bord de petits, puis de plus gros avions, le plus souvent partis du Venezuela, qui partage une longue frontière avec la Colombie. Par ailleurs, les trafiquants ont diversifié les pays de transit.
Le bilan des opérations anti-drogue pour 2010 donne une idée de la situation: démantèlement d'un réseau tentant de transporter 4 tonnes de cocaïne au Liberia, en mai, saisie de plus 2 tonnes en Gambie en juin, plus de 450 kg interceptés dans le port de Lagos, en juillet. L'Afrique du Sud se révèle aussi plus que jamais comme une importante plaque tourante, de même que le Mozambique. Des saisies successives sont signalées aussi par l'OICS au Kenya.
S'adaptant constamment, rappelle le rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants, les trafiquants changent constamment d'itinéraire. «Par exemple, des cargaisons de cocaïne transitent de plus en plus par l'Argentine et l'Urugay vers l'Afrique centrale et l'Afrique australe, tandis que du trafic à petite échelle se fait de manière croissante sur des avions de ligne entre l'Afrique du Nord et l'Europe – par exemple, du Maroc à l'Espagne, de l'Algérie à la France ou de la Tunise à l'Italie. »
L'Afrique du Sud, précise l'OICS, est à la fois une destination et un lieu de réexportation de la cocaïne via des passeurs sur des avions de ligne, du fret aérien ou les systèmes de courrier express, type DHL.
Produits précurseurs
Grande question posée depuis déjà plusieurs années: y-a-t-il des laboratoires de transformation de cocaïne base en cocaine sur le continent africain? Malgré des soupçons en Guinée Conakry, il y a deux ans, il y a, jusqu'ici peu d'éléments tangibles permettant de l'affirmer. En revanche, indique l'OICS, certains pays ont pu servir de lieu de transit pour des produits précurseurs, autrement dit entrant dans la fabrication de la poudre blanche. Ainsi en juin 2010, une cargaison importante d'acétone et de méthyl ethyl ketone a été saisie par les douanes en Côte d'Ivoire. L'acétone était officiellement destinée au Bénin et le méthil ethyl ketone à la Guinée.
Autre point évoqué dans le dernier rapport de l'OISC: la corruption de certaines autorités locales ou de fonctionnaires par les organisations criminelles. C'est même l'un des principaux thèmes de l'édition 2010, qui dénonce l'obstacle que la corruption constitue pour la lutte contre le trafic de stupéfiants. « Par exemple, en mars 2010, 11 hauts responsables des forces de l'ordre ont été arrêtés en lien avec des affaires de trafic de drogue », indique le rapport. L'OISC pointe d'ailleurs du doigt les autorités gambiennes pour leur manque d'empressement à mettre en place la législation adéquate pour lutter contre le trafic. Dans un précédent billet, j'avais évoqué également le cas du Ghana.
Pour autant, l'organisation signale un certain nombre d'initiatives jugées encourageantes. L'Union africaine poursuit son Plan d'action sur le contrôle des drogues et la prévention de la criminalité (2007-2017), notamment avec une réunion des ministres en charge de ces questions à Addis-Abeba (Ethiopie) du 28 septembre au 2 octore 2010, au cours de laquelle a été décidé un renforcement de la lutte contre le trafic et la culture du cannabis et du contrôle des produits précurseurs servant à la fabrication de drogues synthétiques. En février 2010, plusieurs pays ouest-africains (Cap Vert, Gambie, Guinée-Bissau, Mali, Mauritanie et Sénégal) réunis au Sénégal ont adopté l'Initiative de Dakar visant à créer un réseau transaharien pour contrer la menace que représente la cocaïne pour la région. Une autre réunion du même type s'est tenue à Freetown (Sierra Leone), le même mois, entre la Côte d'Ivoire, la Guinée-Bissau, le Liberia et la Sierra Leone. Tout le problème étant - et ce n'est pas dans le rapport - de voir ces déclarations de bonnes intentions suivies d'effet. La coopération entre les Etats africains dans la lutte contre le trafic de drogue a, jusqu'à maintenant, été dans les faits quasiment inexistante.
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