Le G8 drogue adopte un plan d'action contre le narcotrafic

Les ministres de la Justice ou de l'Intérieur du G8 et de plusieurs pays d'Amérique latine et d'Afrique se sont retrouvés, ce mardi 10 mai à Paris, pour adopter les grandes lignes d'un plan d'action contre le narcotrafic. Organisée à l'initiative de la présidence française du G8, cette rencontre visait principalement à coordonner la lutte contre la cocaïne latino-américaine qui transite par le continent africain.

Jamais jusqu'ici le narcotrafic n'avait été à l'agenda d'une réunion du club des nations les plus industrialisées. Outre les membres du G8, étaient également représentés des pays d'Afrique de l'Ouest, le Maroc, l'Algérie, l'Afrique du Sud et plusieurs Etats des Caraïbes, d'Amérique latine et d'Europe, touchés par le narcotrafic. Avec un objectif: rendre plus efficace la lutte contre la commerce transatlantique de cocaïne.

Depuis le milieu des années 2000, la consommation de coke – essentiellement produite en Colombie, au Pérou et en Bolivie - flambe en Europe. Alors que l'Amérique du nord était, il y a encore une décennie, le principal débouché, le vieux continent absorbe aujourd'hui près de la moitié de la production mondiale.

La marchandise est acheminée soit en traversant directement l'Atlantique, soit en transitant par les Caraïbes ou l'Afrique. Dès le milieu des années 2000, cette région du monde est montée en puissance comme lieu de stockage et de redistribution de la poudre blanche. Environ un tiers de la production destinée à l'Europe emprunte cette route. Et même si l'Afrique de l'ouest, dont plusieurs ministres étaient présents à Paris, est tout particulièrement concernée, c'est en fait tout le continent, du Maghreb jusqu'à l'Afrique du Sud, qui est la cible des organisations criminelles.

L'Europe se mobilise

Depuis déjà plusieurs années, les Européens se mobilisent. En septembre 2007, plusieurs Etats membres de l'Union européenne ont mis sur pied le MAOC-N, un centre opérationnel basé à Lisbonne en charge de coordonner la lutte contre le trafic transatlantique. Une structure similaire a ensuite été créée pour la zone méditérranéenne. L'objectif étant de partager à la fois le renseignement et les moyens opérationnels face à des organisations transnationales qui, par définition, ignorent les frontières.

En outre, la France, le Portugal, l'Espagne et la Grande Bretagne ont dépêché des officiers de liaison anti-drogue, notamment au Sénégal et au Ghana, tout en multipliant les actions de formation et de coopération avec les pays concernés par le trafic. L'archipel du Cap-Vert a, par ailleurs, reçu un soutien appuyé des Etats-Unis, notamment en moyens de surveillance maritime.

Pour autant, même si les saisies records se sont multipliées sur des navires entre 2005 et 2008 au large de côtes ouest-africaines, le trafic continue sous d'autres formes, notamment par l'utilisation d'avions. En novembre 2009, un boeing 727-200, ayant transporté plusieurs tonnes de drogue, avait été découvert dans le nord du Mali. Ce n'était pas le premier cas du genre. Les organisations criminelles utilisent aussi les containers, dont un nombre si important traverse chaque jour les mers et les océans qu'il est difficile de répérer les cargaisons suspectes. Bref, malgré cette mobilisation, les affaires continuent, et on trouve toujours autant de cocaïne dans les rues des grandes villes européennes.

La place de l'Afrique dans le trafic international de drogues inquiète, de plus, tout particulièrement l'Europe et les Etats-Unis parce qu'ils soupçonnent des liens entre les terroristes d'al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et le narcotrafic. Il est possible « qu'Aqmi participe directement au trafic en en tirant profit » ou « en tire des profits plus secondaires », a relevé le ministre français de l'Intérieur, Claude Guéant, à l'occasion de la réunion de Paris. Les experts anti-drogue estiment effectivement que certains groupes se réclamant d'Aqmi touchent au moins leur dîme sur ce qui passe dans les zones qu'ils contrôlent, voire fournissent des moyens de transport aux trafiquant de cocaïne ou de haschich.

Le narcotrafic à l'agenda du G8

D'où la volonté redoublée des Européens de renforcer et de mieux coordonner la lutte contre le narcotrafic. Dans cette mobilisation, la France est en pointe. En février 2010, elle a profité de sa présidence du Conseil de sécurité des Nations unies pour organiser une réunion sur les menaces transversales à la paix et à la sécurité internationales. Paris a également poussé l'adoption d'un Pacte européen contre le trafic international de drogue, visant principalement à démanteler les routes de la cocaïne et de l'héroïne. Le président français, Nicolas Sarkozy, a enfin décidé de placer la question du trafic de drogue, en particulier en Afrique, à l'agenda de la présidence française du G8.

L'objectif du « G8 drogue », organisé ces 9 et 10 mai à Paris, était de proposer des mesures concrètes. Les ministres de la Justice et de l'Intérieur ainsi que les principales organisations impliquées dans la guerre contre la criminalité transnationale (Interpol, Office des Nations unies contre la drogue et le crime), mais aussi la Banque mondiale, pour le volet financier, ont posé les bases d'un plan d'action. « Il comprend quatre mesures concrètes: la mutualisation du renseignement, le développement des capacités des Etats de transit, les interventions maritimes et la lutte contre les avoirs criminels », précise un conseiller de Claude Guéant. Il était aussi très importants que les pays d'Amérique latine, comme la Colombie, soient présents ». Et de fait, ces Etats sont le point de départ de la cocaïne.

Pour financer ce plan, Nicolas Sarkozy a lancé l'idée d'un fonds, géré par l'ONUDC, qui serait financé par la saisie des avoirs criminels. A l'image des Etats-Unis, la France est en effet désormais adepte de la stratégie visant à s'attaquer au portefeuille des trafiquants.